28 octobre 2009
Je t'offrirai une gazelle
Roman de Malek Haddad. Lettre H de mon Challenge ABC 2009.
Gisèle Duroc, relectrice aux Editions du Ciel de Paris, découvre le manuscrit d'un auteur inconnu, Je t'offrirai une gazelle. Le roman relate la belle romance entre Moulay et Yaminata, à l'ombre des dunes du Sahara. L'auteur est un poète, un écorché qui ne supporte que la compagnie de M. Maurice, un habitué du troquet qu'il fréquente. Gisèle Duroc est troublée par le texte, mais bien davantage encore troublée par l'auteur.
Très belle construction pour ce roman qui n'a d'exotique que le titre. Le premier chapitre est en fait l'introduction du livre que le personnage écrit. En quelques lignes, il trace le portrait de l'écrivain face à sa feuille, d'une façon qui, si elle n'est pas innovante, n'en est pas moins poétique et délicate. Et tout au long du texte se tisse une image, une idée de l'écrivain. Il est maudit comme au temps des Rimbaud et Verlaine, il est acharné comme l'était Balzac, il est d'ailleurs comme étaient d'ailleurs Desnos et ses acolytes.
De l'auteur du texte, on ne connait pas le nom, à aucun moment. Et c'est toute une théorie littéraire qui s'effondre devant les évidences: "Le manuscrit ne portait pas de nom d'auteur. Ce dernier, un jour qu'il se trouvait en lyrisme commandé, avait affirmé dans une revue que les bienfaiteurs du rêve voyagent incognito. Il se prenait peut-être pour un bienfaiteur du rêve. En vérité il ne comprenait pas cette façon d'agir qui consiste à dire: "C'est moi!" On dit "C'est moi." Et puis on dit "C'est à moi!" On donne son nom à un enfant. Mais, heureusement, on ne l'appelle que par son prénom. L'hypocrisie patrimoniale que représentait un nom d'auteur sur une couverture le dégoûtait." (p. 13 & 14)
Le roman offre une vision idéalisée, mais aussi désabusée d'un pays en guerre. L'Algérie n'est pas que le pays des gazelles, des femmes bleues et des onirismes exotiques. C'est aussi un pays marqué par le conflit qui l'oppose au tyran colonialiste, pays qui essaime et perd ses enfants en métropole. Il n'y a pas de descriptions claires de la guerre franco-agérienne, mais les allusions se succèdent et comblent les silences: un contrôle abusif de papiers d'identité, une famille décimée par le typhus, une enfant morte sous le sable, etc. Quelques phrases peut-être sortent du lot, et disent les choses telles qu'elles sont: "Entre Paris et Alger, il n'y a pas deux mille kilomètres. Il y a quatre années de guerre. Il est inutile d'interroger. Ce n'est pas du voyage, ce n'est pas du tourisme. Les trains ne s'en vont plus pour le plaisir de s'en aller." (p. 98)
Petit coup de griffe envers les maisons d'édition, qui m'a fait sourire: "Il y a longtemps que l'auteur se doute qu'on peut parler de tout dans une maison d'édition sauf de littérature." (p. 55)
Une très belle lecture, étourdissante comme l'histoire d'amour qui ne se noue qu'à demi entre Gisèle et l'auteur, grisante comme le soleil qui inonde le désert, incisive par tous ses jugements. Rapide aussi, à peine une heure de plaisir. C'est peut-être là le défaut de ce livre. Sa concision, toute sublime, est frustrante. J'ai refermé le livre avec un mot au bout des doigts: encore.
Commentaires sur Je t'offrirai une gazelle
- Hum, ça donne bien envie de le lire... il voyage ? ou bien tu me l'emmène en mains propres un de ces jours (comme il se lit rapidement, je pourrai te le rendre avant de te remettre dans le train !)
- un chef d'oeuvre!salut LiLi, je suis algerienne et j'ai lu également ce chef d'œuvre à deux reprises tellement il était intéressant.je te conseille de le relire encore une fois et d'essayer de t'approfondir encore plus... c'est ce que j'ai fais, je l'ai lu la première fois, mais je n'ai pas compris grand chose, je sentais que les mots ne voulait pas dire ce qu'ils disaient vraiment, il y avait quelque chose d'implicite, de caché, donc j'ai décidé de le relire encore une fois, de déshabiller les mots, les tripoter, les sentir pour que je puisse comprendre ce que la plume de malek haddad n'a pas osé déclarer explicitement... en le relisant j'ai commencé à comprendre petit à petit que Moulay représentait tout citoyen algerien et que yaminata sa bien aimée représentait l'algerie, elle était jeune, vierge et pleine de vie, yaminata(l'algérie) aimait moulay et elle ne voulait s'offrir qu'à lui, elle n'a rien demandé à moulay qu'une gazelle, elle la voulait vivante.... une gazelle qui représentait en vérité la liberté, moulay (le citoyen algerien) qui était lui aussi fou amoureux de yaminata(l'algerie)lui à promit qu'il lui offrirai une gazelle, cela veut dire que l'algerien à promit à sa chère algerie la liberté éspérée... je comprends qu'un lecteur non algerien et même certains algeriens ne comprennent pas le vrais sens de ce roman car l'auteur, était très prudent, il ne voulait pas que son roman soit censuré...
A la fin du roman on sent une sorte de regret chez l'auteur, il était sur et certain que peu de gens comprendraient son roman, il a regretté le fait d'avoir écrit un livre qui ne sera pas gobé par les lecteurs mais il l'a quand même publié car il ne pouvait défendre son pays autrement...donc je te conseille de relire le roman, tu le trouveras beaucoup plus intéressant... bonne lecture. - @ IrisJe n'ai pas lu le livre que tu as acheté. Mais j'en ai entendu parler.
En fait, il y a quelques années, j'ai eu la chance de relire le mémoire de fin d'études d'une camarade de maîtrise. Elle avait choisi l'oeuvre de Malek Haddad comme sujet, avec les deux livres dont nous parlons et un troisième dont je ne me rappelle pas le titre.
Depuis cette relecture, je me suis promis de lire les livres dont elle parlait si bien. Et j'ai commencé avec "Je t'offrirai une gazelle".
Ton avis enthousiaste me donne envie de continuer. - @ SoumyUn seul point d'interrogation aurait suffi.
L'intérêt de cette oeuvre se découvre à la lecture, ce que je ne peux que vous conseiller de faire. C'est un livre court et poétique. Les sens sont nombreux et j'en ai évoqués certains.
Il ne vous reste qu'à lire le livre et à trouver par vous-même.
Bonne semaine. - @ soumyMerci pour ce double commentaire.
Je ne peux pas davantage vous éclairer sur cette oeuvre, je ne suis pas professeur et j'ai terminé mes études. Je n'analyse plus les livres comme je le faisais à la fac. Maintenant, je me contente du plaisir de la lecture et de réflexions moins scolaires.
Bonne journée. - Bonsoir.
Mon blog n'est pas un site ressource pour étudiants, mais juste un endroit où je publie des critiques TRÈS PERSONNELLES de mes lectures.
Par ailleurs, j'ai fini mes études en 2008. Ah, j'aurais adoré qu'on me serve une problématique toute faite pour mon mémoire de fin d'études... Attendez, non, ce n'est pas ça ! En fait, j'ai adoré la trouver toute seule et la défendre dans mon mémoire avec des arguments personnels et documentés.
Enfin "merci à vous tous" ? c'est gentil de penser à mes doubles personnalités, mais ne le dites pas trop fort.
Sur ce, bon courage pour votre travail et vos études.
- Bonjour , voila jai lu se livre de malek haddad (je toffrirai une gazelle) ya 30 ans en algerie , il ma marqué a vie se livre , faut le lire pour comprendre , en faite je veux bien le relire mais comme je suis en suisse allemanique je trouve pas bcp de livres en francais , il est toujours en vente en algerie?
j'ai lu malheureusement ,tardivement vos écrits, moi qui suis une vraie adepte et une acharnée de la lecture, mais ne dit on pas qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire, personnellement , lili, je salue votre grandeur d’âme et votre esprit littéraire, chaque mot placé claque dans mes oreilles comme des coups de feu , je suis prof en langue française , je souffre en sachant que les étudiants ne lisent plus ces maitres du verbe , ils sont loin de ces réalité qui nous entrainent sur des terrains de fiction, merci de guider les gens , sur les voies du savoir, j'ai proposé à mes élèves ce site , je vous propose (aux gens qui nous lisent certainement) de lire aussi yasmina khadra, avec ses fameux chefs-d’œuvre , la rose de blida, l'imposture des mots, à quoi rêvent les loups , enfin tous ses ecrits sont digne d’être qualifiés d'œuvres
incontournables, merci lili