29 janvier 2010
Alzabane, l'oiseau de la Lune
Album de Jean-Sébastien Blanck, illustré par Fernando Falcone.
Au début des temps, la Terre n'était que gaz et fumée. En ces temps-là, la Terre était le monde des Oiseaux. Ils étaient immenses, minuscules, transparents, ronds comme des bulles, fins comme des pétales. Ils vivaient en essaim, et chaque essaim avait son ballet, immuable et majestueux. Chaque espèce occupait une altitude précise, dans l'atmosphère la plus propice: opaque, éthérée, dense ou humide. Un jour de malchance, un oiseau nommé Alzabane est séparé de son essaim et poussé par des vents inconnus vers des cieux inexplorés. Seul et sans espoir, il ne sait pas comment rejoindre les siens. Ses projets changent subitement une nuit où le ciel se dégage. Lumineuse, blanche et lisse, la Lune semble appeler Alzabane. L'oiseau fait alors le voeu d'aller là où aucun autre de son espèce n'a jamais fait battre ses ailes. Il veut rejoindre la Lune. Il traverse toutes les couches de l'atmosphère de la Terre, il rencontre les oiseaux des hauteurs, les oiseaux des altitudes inconnues. Alzabane rejoint enfin le froid glacial du cosmos infini. Ses ailes le rapprochent opiniâtrement de la Lune. Mais il y a des règles dans l'univers. Un petit oseau blanc, même lumineux, ne peut pas franchir les barrières. Pour devenir une légende, celle de l'éternel oiseau de la Lune, Alzabane doit sacrifier encore un peu de sa liberté.
Poétique et délicat, ce conte féérique et spatial a des accents orientaux, comme s'il avait été inventé par Shéhérazade. Mais avec la boule rouge au bout de son bec, Alzabane est aussi un Rudolphe ailé, un petit animal entêté qui croit en sa singularité et qui va au bout de son rêve. Récit initiatique, le texte présente la trajectoire singulière, entre des milliers d'étoiles, d'un petit personnage touchant qui, pour devenir sidérant, choisit d'être sidéral.
Alzabane aurait pu être peint par Dali. Ses grandes nageoires ramifiées, son nez pointu agrémenté d'une boule écarlate, ses grands yeux mouillés, son voyage interstellaire au milieu de créatures aussi étranges et biscornues que lui, sa fascination pour la Lune, tout cela forme un tableau surréaliste des plus convaincants. Le site de l'illustrateur (en espagnol uniquement) vaut la visite. C'est une galerie douce-amère de portraits d'animaux un peu démoniaques, un peu étranges, pas vraiment rassurants, mais parfaitement fascinants. Ce bestiaire fabuleux et inquiétant n'est pas sans me rappeler les personnages grotesques et menaçants de Jérôme Bosch. Au début de l'album, les techniques graphiques de Fernando Falcone sont décrites ainsi: "[il] a combiné dessin, traitement numérique de l'image et la numérisation de matières comme le coton et le papier." Il y a aussi un peu des papiers collés de Picasso, un peu de bricolage et de bidouillage pour obtenir l'image définitive.
Malgré tout ce substrat iconographique, les illustrations restent à la portée des jeunes lecteurs, avec des couleurs pastels très douces et des figures simples. Le ciel et les astres, en image de fond, sont simplifiés pour laisser toute la place à l'oiseau qui semble déployer ses ailes blanches et son bec pointu dans l'univers tout entier.
Je ne suis pas du tout spécialiste en littérature de jeunesse. J'ai des vieux souvenirs poussiéreux de mes lectures d'enfance. Et je n'ai peut-être plus la fraîcheur nécessaire pour en parler avec simplicité et pour l'apprécier tout simplement. Néanmoins, ce texte m'a charmée. Je le conseille aux parents qui veulent partager une belle histoire, qui fait un peu peur quand même, avec leurs bambins. Ni vraiment délire d'imagination, ni tout à fait rêve d'enfant, ce texte se lit avec plaisir et frissons, doucement, le soir, à la lumière d'une lampe de chevet tamisée par un voile bleu.
Un grand merci à Babelio et à son opération , ainsi qu'à
pour m'avoir offert ce très bel album.
Commentaires sur Alzabane, l'oiseau de la Lune
- Ce que je retiens de ton article, c'est que c'est un vrai conte poétique avec de vraies illustration d'artiste. J'aime ce genre d'album, j'en ai plusieurs d'un illustrateur que j'aime beaucoup et qui a même imaginé en aquarelles les rêves qu'a pu avoir la Belle au Bois dormant lorsque Perraut la fait dormir cent ans. C'est je pense un bon moyen pour initier les enfants (et les plus grands) à la vraie qualité graphique.
- C'est vrai qu'ils ont été rapides! Chez Clara aussi d'ailleurs.
Je vais recevoir "La vie d'une autre" de Deghelt des éditions Poche, j'ai hâte!
Je suis allée faire un tour sur le site de l'illustrateur et ses dessins sont magnifiques.
Je vois dans les commentaires que tu as découvert Rebecca Dautremer. Moi-même je la connais depuis peu. Je suis tombée sous le charme de ses dessins et me suis empressée d'acheter son calendrier et son coffret de correspondances "Princesses".
Elle a également sorti un superbe Art Book que j'ai l'intention de me procurer dès que mes finances me le permettront ^^
Le travail de Benjamin Lacombe est très proche du sien, tu devrais l'apprécier également (deux billets chez moi sur cet illustrateur si ça t'intéresse)
Bon week-end Lili ! - Bonjour Lili,
Pour information...
Spectacles de Contes pour petits et grands enfants dans le cadre du Salon du livre de Provins en Seine et Marne (13 et 14 février 2010)
Jean-Sébastien BLANCK et les éditions ALZABANE présentent : « Alzabane, l'oiseau de la Lune ». Deux représentations contées exceptionnelles (samedi 13 février à 14h30 et dimanche 14 février à 11h).
Pour en savoir plus :
www.salondulivreprovins.fr