10 avril 2011
Et mon coeur transparent
Roman de Véronique Ovaldé. Lettre de O de mon challenge ABC critiques Babelio. Lecture commune avec Anne et Mrs Pepys.
La quatrième de couverture annonce "un roman enchanteur placé sous le double signe de Verlaine et de Boris Vian. Un pied dans la réalité, l'autre dans la fantaisie." Alléchant, n'est-ce pas ? Je cherche toujours Boris Vian et je ne suis pas certaine d'avoir croisé Verlaine qui a, de toute façon, mieux à faire ailleurs.
Un appel nocturne informe Lancelot Rubinstein que son épouse Irina est morte dans un accident de voiture. Premier choc et pas des moindres. Irina était la femme de sa vie, sa précieuse âme, son soleil éternel. Et voilà que survient le Très Grand Choc Supplémentaire : Irina n'est pas morte dans l'accident, elle n'était pas orpheline et elle dissimulait des recettes d'explosifs au milieu de fiches de cuisine. Lancelot perd pied devant le mystère étouffant qui entoure son aimée, "il ne connaissait d'elle que le grain de sa peau, sa tendance à privilégier les alcools forts et son amour des animaux en voie de disparition." (p. 118) Sur les lieux de la disparition, il cherche des réponses. "Le pont c'est un endroit à fantômes. L'air est limpide et mon coeur transparent." (p. 77) Laissant tout derrière lui, il suit le fil d'ariane qu'Irina a dévidé. Lancelot, en dépit de son nom, n'a rien d'un preux chevalier. Désemparé par les révélations post-mortem relatives à son épouse, il entame une quête hasardeuse sur les traces éparses qu'a laissées Irina.
Lancelot est un rêveur marginal et légèrement misanthrope. Il vivait pour sa belle Irina, mais il ne se sentait pas à sa place dans le monde. "Lancelot a le sentiment parfois d'être un dinosaure. Il lui semble avoir autant de grâce et d'intelligence que ces grosses bestioles-là. En outre, il est convaincu de vivre selon un système archaïque qui n'est pas plus en vigueur depuis quelques millions d'années." (p. 88) Les personnages marginaux ont toujours ma sympathie, mais Lancelot ne l'a pas gagnée. Son originalité et la conscience qu'il en a, au lieu de le servir, lui pèsent et il n'en fait rien. Lancelot est un naïf niais, comme je ne les supporte pas. "Il est fort probable que Lancelot accorde trop d'importance aux paroles. Il prend tout au pied de la lettre." (p. 88) Assommé de pilules calmantes, pleutre devant les découvertes qu'il fait d'Irina, empoté et abasourdi, il ne ressaisit que dans le dernier paragraphe et rend enfin hommage à sa drôle de bonne femme en reprenant son flambeau.
Les chapitres sont très courts et impriment au texte un mouvement saccadé, comme une bille qui n'en finit pas de dévaler un escalier en mouvement. Des éléments étranges et inexpliqués traversent le roman : Lancelot constate régulièrement que les meubles disparaissent. "Le monde de Lancelot était mouvant et précaire et les choses apparaissaient et disparaissaient selon une logique qui lui échappait, mais qu'il acceptait facilement. Lancelot aimait que les choses s'égarent. Ca lui rappelait en douceur l'existence de dimensions parallèles." (p. 18 & 19) Et ? Et rien. Voilà un élément étrange qui rebondit entre les pages et parasite l'attention sans vraiment faire sens, ni alimenter l'intrigue.
Ce texte n'est pas déplaisant. Il se lit rapidement. Mais je l'ai trouvé trop facile et niais, dans la veine qui charrie les Levy, les Gavalda et autres prosailleurs banalement prolixes. La poésie et la magie annoncée n'ont pas pris sur moi. Soit je vieillis (et décidément trop vite), soit ce roman ne valait pas la publicité dont il a bénéficié.
Heureusement depuis ce texte, l'auteure a affiné sa plume et son roman paru en 2009, Ce que je sais de Vera Candida, vaut beaucoup mieux !
Commentaires sur Et mon coeur transparent
- Bon et bien je vais passer mon chemin pour celui-ci ! Mais j'aime bien la prose d'Anna Gavalda moi !! Pas Marc Lévy, non, ça non mais Anna elle est pleine de poésie à ses heures...^^Et tu vieillis, hein, comme tout le monde !!^^
- J'aime bien l'image que tu utilises : la bille qui descend les escaliers. De même, je n'ai pas su donner une explication aux meubles qui disparaissent ; peut-être que l'auteure pourrait nous donner un sens qui nous donnerait une autre vision moins étrange de ce roman. Quant au prix que ce livre a reçu, il n'est peut-être pas une preuve irréfutable de la qualité de ce livre mais bon les avis diffèrent en fonction des sensibilités de chacun. Merci Lili pour cette LC que je suis très contente d'avoir fait car j'aime avoir mon propre avis sur les romans qui m'attirent plus ou moins.
- Musso et Gavalda ? Véronique Ovaldé a davantage de talent que cette clique. Certes la naïveté de Lancelot ne donne pas à l'intrigue l'élan qu'elle aurait pu avoir, mais je ne suis pas sûre que cela rende niais le propos de ce roman. Il existe derrière l'histoire un peu simple une réflexion que n'auraient pas eue, me semble-t-il, les auteurs précités.
- J'avais gardé cet article (le tien) coché d'une petite étoile dans mon agrégateur pour le lire plus tard "quand j'aurais le temps". Comme je suis en vacances, j'en profite pour lire tout ce qui m'intéresse et que je n'ai pas eu le temps de lire en 2011 sur la blogo
Tu me fais peur en comparant ce livre à ceux de Levy et Gavalda. Je n'en reviens pas... Je lirai "Ce que je sais de Vera Candida" avant celui-ci (tous deux dans ma PAL) histoire de ne pas me rendre rébarbative cette auteure que j'aime énormément.