Des galipettes entre les lignes

Chroniques littéraires.

04 mai 2011

M. Malchance

MAlbum de Roger Hargreaves.

Ne soyez pas étonnés par la forme de ma chronique. C'est ma participation au concours de La lettre à l'écrivain de Babelio, en partenariat avec le festival À vous de lire. Je vous l'avais annoncé ici.

J'ai choisi d'écrire à Roger Hargreaves dans la catégorie San-Antonio. Vous vous en doutez, connaissant l'auteur, il s'agit d'écrire une lettre sur un ton décalé.

J'ai tellement aimé cet exercice que je ne promets pas de ne pas remettre ça avec un autre auteur et sur un autre ton !


Faut qu’on cause Hargreaves,

 

J’vous la fais courte sur le comment j’ai eu le bouquin dans les mains. Ma bourgeoise m’a traîné à la librairie. Celle-là, elle me coûte plus cher en bouquins qu’en permanentes. Bon, ça vaut peut-être mieux. Vu sa tronche, y’a pas grand-chose à faire. Mais bon, elle est bien gentille et puis elle héritera du bistrot de son oncle. Finalement, elle assure un bon retour sur investissement.

 

Tout ça pour dire qu’en plus de passer des heures le nez dans des bouquins, elle aimerait que notre môme, Gégé, fasse pareil. Elle en a marre qu’il passe ses journées devant la télé. Mais bon, il a que sept ans le mioche. Elle peut pas lui faire lire de la grande littérature. Mais bon, je sais pas, j’y connais rien en littérature. J’ai lu un bouquin une fois, j’ai trouvé ça tarte. Et votre bouquin, ben, c’est pas mieux.

 

Rien que le titre : M. Malchance. Vous trouvez que les mômes ont assez de sujet de se faire du mouron ? Vous regardez pas le 20h vous ? Votre zig, c’est qu’un pauvre type qu’a pas la vie facile. Des petits malheurs, des gros bobos, des bandages partout et une poisse pas possible. C’est incroyable d’être poissard à ce point ! J’ai recopié un morceau : « Dès que quelque chose était perdu, ou cassé, ou déchiré, ou ébréché, ou brisé, ou fendu, ou cabossé, ou écrasé, on savait que monsieur Malchance était passé par là. » Votre gusse, c’est un môme qui a pas appris la valeur des choses ! Il aurait pris une paire de baffes chaque fois qu’il pétait un truc, je peux vous dire que ça l’aurait calmé. Pendant un temps, ma gamine était pas foutue de mettre la table sans bousiller une assiette ou un verre. Je vous assure que maintenant elle fait bien gaffe !

 

La suite de votre histoire est un peu chiante. Vous nous montrez tous les malheurs du bonhomme : il tombe à l’eau, il tombe du bus, il se tape sur les doigts avec un marteau. C’est sûr que quand on a deux mains gauches, faut pas jouer avec les outils des grandes personnes. En vrai, votre monsieur Malchance, il est pas un peu attardé ? Mon gosse sait déjà planter un clou tout droit. Et il aime bien aider son père. Sûr que j’en ferai quelqu’un de mon Gégé !

 

La morale de votre histoire est foireuse. Enfin, je pense que c’est une morale. Je me souviens que de celles de La Fontaine, quand il fallait réciter devant la classe. J’aimais pas ça, tous les binoclards du premier rang récitaient en silence et se foutaient de moi quand je me gourais. Bref, à la fin, vous dites que le malheur peut toujours servir ou un truc comme ça. Donc vous, plutôt que d’encourager les pas dégourdis à se sortir de la mouise, vous préférez qu’ils y restent et qu’ils soient contents ? C’est bizarre.

 

Et j’ai pas compris ta dernière phrase : « Alors si tu te cognes quelque part, tu sais ce qu’il faut faire ? Croque une pomme et pense à monsieur Malchance. » Je suis pas sûr, mais vous parlez politique, là ? Ma bourgeoise a dit que non, que j’avais rien compris et que je ferais mieux de lire plutôt que passer mon temps à râler avec les collègues. Mais moi, je crois bien que c’est politique.

 

Heureusement qu’y a des images dans votre livre. Mais mon Gégé dessine déjà mieux que vous. Un bonhomme tout rond et tout bleu, c’est un peu facile. Walt Disney, en voilà un type qui sait dessiner ! Autre chose, faut faire attention à ce que vous faites. Vous parlez d’un chat et, l’image, c’est un chien. Même moi, j’ai remarqué l’erreur et pourtant, j’étais pas bon en orthographe !

 

À la fin de votre livre, y’a la liste de tous les autres bouquins que vous avez écrits. Je pense pas qu’on les fera lire à Gégé. Enfin, ma femme aimerait bien. Elle trouve que c’est chou ce que vous faites. Sauf votre respect, moi je trouve ça naze. Vous avez écrit l’histoire de Madame Malchance, ça doit être la femme du zig tout bleu. Bon, il y a aussi Madame Chance, mais si vous écrivez juste l’inverse, c’est pas trop dur comme boulot.  Je vous donne un conseil, on est entre nous. Vous avez aussi une Madame Prudente dans votre collection. Alors essayez d’arranger un rencart avec Monsieur Malchance, ça équilibrera peut-être.

 

Bon, voilà, c’était juste pour vous dire que vous devriez peut-être faire autre chose comme boulot. Parce que ça se voit bien que vous manquez d’inspiration et puis vous dessinez pas si bien. Mon Gégé, il a bien rigolé avec votre bouquin, mais je pense que je vais plutôt l’emmener avec moi maintenant, il apprendra aussi bien la vie.

 

Marcel, le père du petit Gégé. 

Posté par Lili Galipette à 15:06 - Mon Alexandrie - Lignes d'affrontement [14] - Permalien [#]
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Commentaires sur M. Malchance

  • j'adore ! plein d'humour et une plume incontestable ! du coup tu me donnes envie d'essayer ! bises et bravo

    Posté par George, 04 mai 2011 à 15:42 | | Répondre
  • @ George

    J'espère bien que tu vas participer ! Non mais !!
    Tu penses que tu peux participer à l'échange épistolaire avec Sabbio et manquer ça ? Pas question !

    Posté par Lili Galipette, 04 mai 2011 à 17:29 | | Répondre
  • Tiens, on est passé au gris ?

    Posté par Nath, 04 mai 2011 à 21:28 | | Répondre
  • @ Nath

    Voilà tout ce que tu retiens de ce billet d'anthologie ?

    Oui, je suis repassée au gris. Ce jaune était trop joyeux pour moi. Mais maintenant, c'est un gris moins soutenu. C'est mieux ?

    Posté par Lili Galipette, 04 mai 2011 à 21:31 | | Répondre
  • J'adore. Ton texte est vraiment excellent ! Il m'a bien fait rire en tous les cas. Merci

    Posté par Kikine, 05 mai 2011 à 03:29 | | Répondre
  • @ Kikine

    Merci beaucoup !

    Posté par Lili Galipette, 05 mai 2011 à 07:37 | | Répondre
  • On te reconnaît bien là !!

    Je suis morte de rire !! Je ne savais pas qu'on publiait sur le blog d'abord ?! J'ai encore loupé quelque chose ?? On en reparlera, mais vu ta vitesse d'exécution, tu peux en écrire plusieurs !!^^ Je ne connaissais pas le Monsieur, avec ta lettre j'ai tout compris (ou presque) !! Bises et bravo !!

    Posté par Asphodèle, 05 mai 2011 à 08:50 | | Répondre
  • @ Asphodèle

    On me reconnaît ? Je suis inculte et beauf ?
    Le concours est ouvert à tous les membres de Babelio, qu'ils aient ou non un blog. Je l'ai publié ici, mais aussi sur Babelio (comme on a fait hier ensemble, même procédure).

    Pour valider la participation, il faut ajouter l'étiquette "avousdelire2011". Tu trouves le champ des étiquettes là où tu trouves celui des critiques et des commentaires.

    Je réfléchis à ma prochaine épître. Je vais sûrement taquiner le style de Voltaire pour m'attaquer à un bouquin qui je n'ai pas aimé.
    Parce que, Monsieur Malchance, j'ai adoré !

    Posté par Lili Galipette, 05 mai 2011 à 08:54 | | Répondre
  • J'avais compris !!^^

    Merci de toutes ces explications d'une pédagogie irréprochable !! J'attends demain après-midi avec impatience et pouvoir me remettre à tout ce qui est en suspens...
    J'ai hâte de lire ta prochaine lettre, version Voltaire !! Ah ah, ça doit être jubilatoire aussi quand on n'a pas aimé, oserais-je ?? ^^ je te maile dès que JE PEUX !! Pfff...

    Posté par Asphodèle, 06 mai 2011 à 11:30 | | Répondre
  • P.S. : et je confirme que le gris est très bien, en espérant quand même qu'il ne reflète pas tes états d'âme...tout le temps ??!!

    Posté par Asphodèle, 06 mai 2011 à 11:33 | | Répondre
  • @ Asphodèle

    Ah, je suis contente de réussir à me faire comprendre. Quand j'étais étudiante, je donnais des cours de soutien à des jeunes et j'avais toujours l'impression de parler en mandarin...

    Hâte de lire ta lettre !

    Avant d'écrire façon Voltaire, il faut que je trouve un livre que je n'ai pas aimé. Mais pas du Levy ou même acabit, ce serait trop facile...

    Pour le gris : disons qu'il vaut mieux avoir une humeur égale même si un peu tristounette plutôt qu'une humeur cyclothimique...

    Posté par Lili Galipette, 06 mai 2011 à 11:37 | | Répondre
  • Boude pas! J'ai lu ton billet bien sûr!
    Pour qui tu me prends? Disons que je reconnais ton talent d'écriture, la tournure est sympa, mais c'est le personnage imaginaire qui ne me plaît pas. mais ça glisse tout seul, comme une tartine de Nutella.
    Et pis je trouvais important de relever le changement de présentation. En général, ça suit les humeurs du moment.
    Voilà! Contente?

    Posté par nath, 06 mai 2011 à 15:16 | | Répondre
  • Et pis arrête avec les gros mots! Sérieusement, cyclothimique? En plus, ça s'écrit cyclothymique. Il a fallu que j'aille regarder dans le dico... Ca me fait me sentir bête, snif.

    Posté par nath, 06 mai 2011 à 15:20 | | Répondre
  • @ nath

    Ouh, mais elle mord la frangine !!!
    Mon personnage ne te plaît pas ? Qu'est-ce que tu reproches aux beaufs ignares qui appellent leur fils Gégé ? Quelle étroitesse d'esprit...

    Une ta'tiiiiiiiiiiiiiiiine de Nutella ! C'est malin, j'en veux une maintenant !

    D'habitude, je sais écrire "cyclothymique"... gloups... mais c'est une bonne chose que tu sortes ton dico ! Il n'est pas là que pour bloquer la porte !

    Posté par Lili Galipette, 06 mai 2011 à 15:31 | | Répondre
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