Des galipettes entre les lignes

Chroniques littéraires.

03 novembre 2011

Stupeur et tremblements

Stupeur_et_tremblementsRoman d'Amélie Nothomb. Lettre N du Challenge ABC critiques de Babelio.

La narratrice, Amélie, est belge et nul ne saurait ignorer qu’elle est un avatar de l’auteure. Passé ce premier constat, voici l’histoire. En 1990, Amélie est embauchée dans l’entreprise japonaise Yumimoto, au 44° étage. Comme elle le dit elle-même, « après tout, ce que j’avais voulu, c’était travailler dans une entreprise japonaise. J’y étais. » (p. 14) Après tout ? Oui, parce que le beau rêve d’Amélie tourne vite au réveil doux-amer. L’entreprise Yumimoto est soumise à des codes abscons pour les Occidentaux et à une hiérarchie totalement verrouillée. Pour avoir osé défier, sans le vouloir ni le savoir, sa supérieure directe, la magnifique Fubuki Mori, Amélie va connaître tous les échelons de l’humiliation. « Le Japon est un pays qui sait ce que ‘craquer‘ veut dire. » (p. 60) Alors qu’elle briguait une place d’interprète, elle finit responsable des toilettes du 44° étage. Toutefois, dans un esprit tout japonais d’honneur, elle ne démissionne pas et se soumet. « J’avais à présent sous les yeux l’horreur méprisante d’un système qui niait ce que j’avais aimé et cependant je restais fidèle à ces valeurs auxquelles je ne croyais plus. » (p. 134)

Amélie apprend donc l’humiliation auprès de la belle et perverse Fubuki Mori. Seule femme cadre de l’entreprise et décidée à ne pas perdre son poste. Fubuki représente le mur sur lequel se brisent les espoirs et les ambitions d’Amélie qui rappelle que, « dans l’ancien protocole impérial nippon, il est stipulé que l’on s’adressera à l’Empereur avec ‘stupeur et tremblements‘. » (p. 172) Dans une comédie plus ou moins sincère, c’est ainsi qu’Amélie quitte l’entreprise et le Japon.

Ce roman n’est pas mal écrit, le style est enlevé et je lui reconnais une fluidité certaine. Mais – comme diraient certains critiques avisés – sans plus. J’ai tout de même apprécié les quelques pages où la narratrice décrit les conditions de vie des Japonaises : c’est toute une leçon de féminité, certes particulière pour des yeux étrangers, mais riche en enseignements. Stupeur_et_tremblements_filmLe fantasme récurrent de la défenestration est assez original, de même que cette envie de se répandre sur la ville nippone et d’être enfin absorbée par ce grand-tout. Dommage que cela ne soit pas davantage mis en avant. Lirai-je encore un roman d’Amélie Nothomb ? Il s’agit là d’un deuxième essai et je pense que cela suffira.

Le film d’Alain, Corneau, avec Sylvie Testud dans le rôle principal, est assez intéressant. Il reprend au mot près les phrases du titre. L’échevelée Sylvie Testud s’oppose violement à l’actrice qui incarne Fubuki, toujours impeccable et inaccessible. L’image met clairement en évidence que, dans la société nippone, la hiérarchie est source d’humiliation, mais également de souffrances. Bref, un moment plaisant, mais – encore une fois – sans plus.

ABC

Posté par Lili Galipette à 13:05 - Ma Réserve - Lignes d'affrontement [15] - Permalien [#]
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Commentaires sur Stupeur et tremblements

  • Je n'arrive pas du tout à rentrer dans son monde et surtout dans son style. Le seul Nothomb que j'ai réussi à lire, c'est "Acide sulfurique".

    Posté par Lydia, 03 novembre 2011 à 17:11 | | Répondre
  • @ Lydia

    Pour ma part, j'en ai fini avec elle.

    Posté par Lili Galipette, 03 novembre 2011 à 17:13 | | Répondre
  • J'ai vu que tu disais que c'était ton deuxième essai. Tu avais lu quel autre livre ? J'avais tenté "Stupeur et tremblements" car il est souvent dans les manuels scolaires et "Métaphysique des tubes" mais à chaque fois j'abandonne au bout de 20 pages.

    Posté par Lydia, 03 novembre 2011 à 17:18 | | Répondre
  • @ Lydia

    J'avais commencé Hygiène de l'assassin : jamais pu le finir !

    Posté par Lili Galipette, 03 novembre 2011 à 17:22 | | Répondre
  • Voilà qui me rassure !

    Posté par Lydia, 03 novembre 2011 à 17:23 | | Répondre
  • Sympa mais pas mon préféré.

    Posté par Mélusine, 03 novembre 2011 à 18:47 | | Répondre
  • J'en garde un bon souvenir global mais mon préféré reste "Cosmétique de l'ennemi"

    Posté par Cynthia, 03 novembre 2011 à 20:00 | | Répondre
  • Hygiène de l'assassin, son premier livre, est assurément le meilleur. Les répliques sont vives, cyniques à souhait. Une merveille.

    Posté par Léa, 03 novembre 2011 à 21:42 | | Répondre
  • @ Cynthia

    N'essaie pas de me tenter, je freine des deux pieds désormais !

    Posté par Lili Galipette, 04 novembre 2011 à 09:13 | | Répondre
  • @ Léa

    Alors je suis passée à côté du meilleur...

    Posté par Lili Galipette, 04 novembre 2011 à 09:15 | | Répondre
  • Mouais, moi non plus je ne tente pas...

    Posté par Lydia, 04 novembre 2011 à 17:48 | | Répondre
  • Je viens de finir Tuer le père (critique prévue pour fin de semaine). Franchement pas top.
    J'avais lu Hygiène de l'assassin qui ne m'avait pas conquise non plus.
    J'en lirai p-e un petit dernier pour tenter d'infirmer la tendance, mais je crois que les jeux sont faits : la prose d'Amélie n'est pas pour moi.

    Posté par Reka, 07 novembre 2011 à 14:44 | | Répondre
  • @ Reka

    J'attends ton avis alors !

    Posté par Lili Galipette, 07 novembre 2011 à 14:56 | | Répondre
  • Bonsoir, j'avoue n'avoir jamais lu de roman de Nothomb mais j'avais énormément aimé le film d'Alain Corneau. C'était très drôle par moment. Bonne fin d'après-midi.

    Posté par dasola, 16 novembre 2011 à 16:50 | | Répondre
  • @ Dasola

    Plutôt que drôle, je dirais cynique. Mais j'ai probablement vu le film trop rapidement après avoir lu le roman.
    Bonne fin de journée.

    Posté par Lili Galipette, 16 novembre 2011 à 16:53 | | Répondre
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