Des galipettes entre les lignes

Chroniques littéraires.

22 novembre 2011

La maladie et la foi au Moyen Âge

Maladie_et_la_foiEssai historique de Lydia Bonnaventure.

À travers l’étude des Miracles de Nostre Dame du moine Gautier de Coinci (1178 – 1236), l’auteure dresse un panorama des liens entre maladie et foi à l’époque médiévale. « Parmi les miracles publiés en cette époque où sévissaient les épidémies, bon nombre mettent en scène la maladie. Elle est l’instrument de châtiment et de rédemption dont se sert Notre Dame afin de punir ou pardonner le pécheur. » (p. 12) L’ère médiévale a été ravagée par des épidémies telles que la lèpre, la peste ou encore le mal des ardents. Pour expliquer ces fléaux, le recours à la religion était aisé : la maladie était d’origine divine et représentait soit un châtiment pour les pécheurs, soit une épreuve de foi pour les croyants. « Devant les mortalités dont on ignorait les causes, les hommes du Moyen Age virent dans la maladie l’expression du courroux céleste. De simple phénomène naturel, elle devint le signe de la présence divine. » (p. 78) En ce sens, le miracle prend tout son sens : si Dieu envoie la maladie, Dieu seul peut l’ôter et il ne le fait qu’avec éclat au travers de miracles tel que rendre la vue à un vieil homme ou restaurer la beauté d’un visage dévoré par la lèpre.

Dans le culte marial auquel il se voue, Gautier de Coinci insiste sur l’utilité de la foi dans le combat contre la maladie. Son propos est une longue diatribe envers les impies et les hérétiques qui seront frappés à mort par la maladie. C’est aussi un hymne au croyant et à l’être pur qui sera toujours sauvée par la sainte mère du Christ qui intercède auprès de Dieu et de son fils pour obtenir la guérison et la rédemption des justes. Très didactique dans ses propos et maniant l’exemple au travers de descriptions très précises, Gautier de Coinci voulait marquer les esprits sans demi mesure. « La maladie et ses symptômes, certes exagérés, ne sont qu’une mise en œuvre de cette forme d’endoctrinement que Gautier poursuit à travers ses textes. » (p. 64)

« La maladie joue aussi un double rôle, mettant en relief le péché […] mais aussi la dévotion. » (p. 34) La maladie se présentait également comme la réparation de l’offense faite au Seigneur, à ses saints ou à Marie. Seule la contrition et la pénitence pouvaient alors conjurer la souffrance et la guérison représente la récompense ou le triomphe au terme du combat contre le Mal. « La prière est un des trois éléments fondamentaux de l’action thaumaturgique, les deux autres étant la confession et les pratiques pénitentielles. » (p. 31) Finalement, ce qu’il s’agit d’obtenir, outre la guérison du corps, c’est la guérison de l’âme et sa survie dans une éternité de grâce. « La maladie est le reflet du péché pour lequel il convient de se faire pardonner afin de guérir au plus vite. La pénitence devient la voie ouvrant à une vie spirituelle éternelle. » (p. 50)

L’essai de Lydia Bonnaventure est aussi intéressant qu’il est facile d’accès. La richesse des informations n’est jamais indigeste et la compréhension du sujet est encore facilitée par une mise en page claire et des notes explicatives fort à propos. L’ouvrage reproduit des citations du texte original en langue médiévale et met en regard la traduction en français moderne. Pour l’ancienne passionnée d’ancien français que je suis, ce fut un plaisir de naviguer entre les deux versions et de retrouver toute une grammaire un peu oubliée. Entre analyse littéraire et analyse historique, cet essai illustré de copies des manuscrits originaux est tout à fait passionnant. Et certains aspects du texte de Gautier de Coinci m’ont rappelé la folle passion de Sainte Lydwine de Schiedam, si fabuleusement écrite par Joris-Karl Huysmans.

Vous retrouverez l'auteure sur son site et sur son blog et prochainement dans une interview ici-même !

Posté par Lili Galipette à 08:30 - Mon Alexandrie - Lignes d'affrontement [17] - Permalien [#]

Commentaires sur La maladie et la foi au Moyen Âge

  • Hou ! et tu dis que c'est facile d'accès ! Hum hum, beau billet mais je ne sais pas si le vieux françois me serait nencore si accessible !

    Posté par Asphodèle, 22 novembre 2011 à 08:50 | | Répondre
  • Cet essai paraît en effet intéressant, et malgré les siècles qui se sont écoulés, il me semble que demeure toujours cette idée que la maladie est une malédiction venue d'en haut, même si ce genre de discours est aujourd'hui plus lié à la superstition qu'à la religion !

    Posté par George, 22 novembre 2011 à 09:10 | | Répondre
  • @ Asphodèle

    Très facile d'accès et très bien rédigé ! On est très loin de certains cours assommants que j'ai pu suivre !
    Et les extraits en français médiéval sont systématiquement transcrits en français moderne, donc c'est très facile de suivre !

    Posté par Lili Galipette, 22 novembre 2011 à 10:00 | | Répondre
  • @ George

    Tout à fait, la part d'irrationnel demeure dans l'interprétation de la maladie.

    Posté par Lili Galipette, 22 novembre 2011 à 10:00 | | Répondre
  • Un billet qui donne envie de découvrir cet essai. Le sujet me fascine mais j'avais un peu peur que cela soit trop difficile d'accès pour la lectrice que je suis. Puisque tu dis qu'au contraire il est facile d'accès, je vais me pencher sur la question ^^

    Posté par Lady K, 22 novembre 2011 à 11:38 | | Répondre
  • @ Lady K

    Très bonne lecture alors !

    Posté par Lili Galipette, 22 novembre 2011 à 12:00 | | Répondre
  • J'ai essayé qu'il soit lisible par tous. Merci Lili pour cette critique.

    Posté par Lydia, 22 novembre 2011 à 13:12 | | Répondre
  • @ Lydia

    Critique rédigée avec plaisir.

    Ton essai est facile d'accès sans être simpliste mais parfaitement passionnant.

    Posté par Lili Galipette, 22 novembre 2011 à 13:19 | | Répondre
  • Je vais rougir !

    Posté par Lydia, 22 novembre 2011 à 18:08 | | Répondre
  • @ Lydia

    Ah non, pas question ! Sinon qu'est-ce cela sera quand nous nous rencontrerons ?

    Posté par Lili Galipette, 22 novembre 2011 à 18:10 | | Répondre
  • Je rougirai doublement !!!

    Posté par Lydia, 22 novembre 2011 à 18:24 | | Répondre
  • Je peux rougir avec vous ?

    Posté par JL, 22 novembre 2011 à 23:32 | | Répondre
  • @ JL

    Je ne pensais pas qu'il y avait tant de midinettes aux éditions de la Louve !
    Faut pas rougir de faire du bon boulot !

    Posté par Lili Galipette, 23 novembre 2011 à 07:20 | | Répondre
  • Midinette... pfffff ....
    Mais bon, j'accepte le compliment qui suit !

    Posté par Lydia, 23 novembre 2011 à 20:16 | | Répondre
  • @ JL : Allez, rejoins donc le groupe !

    Posté par Lydia, 23 novembre 2011 à 20:19 | | Répondre
  • miam miam, un régal ! cela me rappelle mes études !!!!

    Posté par Lystig, 26 novembre 2011 à 09:08 | | Répondre
  • @ Lystig : Merci beaucoup !

    Posté par Lydia, 26 novembre 2011 à 12:16 | | Répondre
Nouveau commentaire