Des galipettes entre les lignes

Chroniques littéraires.

13 janvier 2012

Délicieuses pourritures

Delicieuses_pourrituresRoman de Joyce Carol Oates

Gillian se remémore ses années étudiantes, au sein du Catamount College. « Ceci n’est pas une confession. Comme vous le verrez, je n’ai rien à confesser. » (p. 8) Est-elle innocente ou sans remords ? Que faut-il penser de la vague d’incendies criminels qui éclatent un peu partout à Catamount ?

En 1975, Gillian a presque vingt ans et elle est furieusement éprise de son professeur, Andre Harrow. Mais « lorsqu’on aime un homme marié, on existe dans une relation non déclarée, secrète et singulière, avec son épouse. » (p. 13) Dorcas, la femme d’Andre, est une sculptrice au talent certain mais aux productions controversées. Le couple est superbe et fait l’objet de toutes les envies. Gillian et ses jeunes camarades espèrent toutes attirer son attention et partager son intimité. Prêtes à tout pour s’illustrer, les jeunes filles dévoilent leurs journaux intimes. « La tenue de notre journal se mit à nous obséder. » (p. 67) Ce qui n’était au début qu’un exercice universitaire devient une scène terrible où chacune exhibe ses blessures, quitte à en créer de nouvelles pour nourrir la curiosité vorace d’un professeur au comportement trouble.

Si Gillian doute d’obtenir la faveur de son professeur, elle nourrit à l’envi des fantasmes plus ou moins chastes. « Je rêverais de l’homme au visage lumineux et bon, dont la caresse, quoique légère, quoique nullement sensuelle ni avide, me pénétrerait de joie. » (p. 43) Mais quand le fantasme s’incarne enfin, l’euphorie devient perverse et vénéneuse. Désir ou amour, la relation qui se noue entre Gillian, Andre et Dorcas n’est pas de celles qui s’achèvent en happy end.

Il s’en passe de belles dans cette université pour filles ! Joyce Carol Oates nous montre un microcosme étouffant et écœurant et écrit avec brio la violation d’intimité et le dévoilement forcé. Bien que très court, ce roman n’est pas simple à lire : les mots prennent à la gorge et l’histoire met mal à l’aise. Poussant à l’extrême certaines légendes des collèges de jeunes filles, l’auteure nous fait pousser la porte d’un monde où la vilenie et la perversion sont proposées comme moteur de la création. À manipuler avec précaution !

De la même auteure, je ne peux que vous conseiller l’imposant et superbe Mon cœur mis à nu.

Posté par Lili Galipette à 16:00 - Mon Alexandrie - Lignes d'affrontement [15] - Permalien [#]

Commentaires sur Délicieuses pourritures

  • C'est avec ce court roman que j'ai découvert Oates ! Fascinant et malsain en même temps, il m'a donné envie d'en lire d'autres.
    "Mon coeur mis à nu" est déjà dans ma PAL ^^

    Posté par Cynthia, 13 janvier 2012 à 16:43 | | Répondre
  • @ Cynthia

    Alors bonne lecture !

    Posté par Lili Galipette, 13 janvier 2012 à 17:11 | | Répondre
  • Ce fut mon premier Oates, je crois que c'est le sujet portant sur l'université qui m'avait attirée, ensuite,comme toi, j'avais senti ce malaise, aimé aussi cette façon de déranger le lecteur ! je suis heureuse qu'il t'ait plu ! et "mon coeur mis à nu" est au programme de cette année !

    Posté par George, 14 janvier 2012 à 09:25 | | Répondre
  • @ George

    Ah, j'espère qu'il te plaira ! Il est époustouflant !!

    Posté par Lili Galipette, 14 janvier 2012 à 10:02 | | Répondre
  • Oui mettre à l'aise, apparemment c'est ce qu'elle fait dans chacun de ses romans, c'est pourquoi je n'en ai pas encore lus bien qu'en ayant un ou deux dans ma PAL...

    Posté par Sabbio, 14 janvier 2012 à 18:52 | | Répondre
  • @ Sabbio

    Mettre à l'aise ? Mal à l'aise, tu veux dire ?

    Posté par Lili Galipette, 14 janvier 2012 à 19:02 | | Répondre
  • Oui ^^" Mettre mal à l'aise...

    Posté par Sabbio, 14 janvier 2012 à 19:06 | | Répondre
  • Jeneen doit me l'envoyer ces jours-ci ! Je vais enfin découvrir cette auteure !^^ J'espère ne pas être déçue avec tout le bien que j'en entends !

    Posté par Asphodèle, 17 janvier 2012 à 11:24 | | Répondre
  • @ Asphodèle

    Attention au choc : malaise garanti !

    Posté par Lili Galipette, 17 janvier 2012 à 11:25 | | Répondre
  • Pas lu Mon coeur mis à nu, mais beaucoup aimé celui-ci... même si c'est bien glauque !

    Posté par Liliba, 01 février 2012 à 08:40 | | Répondre
  • @ Liliba

    Glauque en effet.
    "Mon coeur mis a nu" a quelque chose de grandiose et d'échevelé, assez différent des autres textes d'Oates.

    Posté par Lili Galipette, 01 février 2012 à 08:55 | | Répondre
  • C'est noté !!! (et hop, un de plus, comme c'est facile !)

    Posté par Liliba, 01 février 2012 à 09:27 | | Répondre
  • @ Liliba

    Il fait près de 900 pages...

    Posté par Lili Galipette, 01 février 2012 à 10:09 | | Répondre
  • Même pas 1000 pour le challenge de Daniel ??? pfff...

    Posté par Liliba, 01 février 2012 à 11:41 | | Répondre
  • @ Liliba

    On ne peut pas tout avoir !

    Posté par Lili Galipette, 01 février 2012 à 11:47 | | Répondre
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