Des galipettes entre les lignes

Chroniques littéraires.

10 avril 2012

Ethan Frome

Ethan_FromeRoman d'Edith Wharton.

À Starkfield, petite ville du Massachusetts que l’hiver enclave dans des congères et un froid mordant, Ethan Frome vit tant bien que mal de sa scierie et de sa ferme. Son épouse, Zenobia, est de nature souffreteuse et acariâtre et dépense sans compter les quelques ressources du maigre foyer en potions et en médicaments. La seule joie d’Ethan, c’est la présence de la jolie Mattie Silver, la cousine de Zenobia. La jeune fille aide aux tâches ménagères et elle offre une oreille amicale à Ethan.

Peu à peu, Ethan et Mattie se découvrent une attirance coupable, et Zenobia ne manque pas de le remarquer. Celle que l’on croyait faible se révèle une redoutable garce, machiavélique et sans cœur. « Zenobia, bien que doutant du savoir-faire de la jeune fille, fut tentée par la liberté qu’elle aurait de la trouver en défaut sans courir grand risque de la perdre. » (p. 75) Alors qu’Ethan et Mattie jouent à être un couple le temps d’une soirée, l’épouse qui se croit bafouée est bien décidée à se débarrasser de cette encombrante cousine et à remettre son époux au pas. Mais après des années de soumission, quelque chose bouillonne dans le sang d’Ethan. « Il était bien trop jeune, trop vigoureux, trop plein de vivante sève pour accepter aussi aisément la ruine de ses espoirs. Fallait-il qu’il consumât toutes ses années auprès d’une femme aigrie et geignarde ? » (p. 149) L’issue, nécessairement, sera brutale.

Le gros défaut de ce livre, dans l’édition que j’ai choisie, c’est sa quatrième de couverture qui dévoile TOUTE l’histoire. Ce que je croyais être l’introduction est en fait la conclusion. Ce résumé très maladroit m’a privée de toute la tension qu’Edith Wharton est si habile à installer dans ses romans. Je n’ai pas vu l’arc se tendre puisque je savais déjà où la flèche était tombée et qui elle avait blessé. (C’est une métaphore, OK ? Je ne suis pas en train de vous raconter la fin !)

Le procédé narratif n’est pas très original : le narrateur arrive à Starkfield, il rencontre Ethan Frome et il s’interroge sur cet étrange personnage. Ensuite, il ne lui faut que mettre un pied dans la maison du personnage pour le récit se déploie tout seul. Le narrateur ne revient qu’à la fin, pour la conclusion.

Voilà deux points négatifs, mais le roman est en fait très bon. Il se déroule loin des fastes new-yorkais que l’auteure a dépeints dans Le temps de l’innocence ou Chez les heureux du monde. Ce n’est pas non plus la bourgeoisie campagnarde qu’elle présente dans Été. Dans les trois précédents romans, l’environnement est favorable, mais c’est la société qui ne l’est pas, entité mauvaise et perverse. Dans Ethan Frome, la nature est hostile et pauvre et la société est presque inexistante : le drame se noue à huis clos, entre un couple mal marié et une jeune fille innocente. Mais la victime n’est pas Mattie, du moins pas uniquement. C’est surtout Ethan Frome, personnage éponyme qui souffre doublement ainsi que le révèle la fin du roman. Zenobia est la main du malheur, on le sait dès le début puisqu’elle est présentée sans aménité.

Edith Wharton signe encore un grand roman et mérite plus que jamais des compliments pour la peinture qu’elle fait des sentiments humains et des méchancetés des cœurs. À la lire, on désespère un peu du bonheur, mais on sent toute l’honnêteté de ses propos. Il ne me reste qu’à dénicher l’adaptation cinématographique, avec Liam Neeson (ah ! Liam…) dans le rôle-titre, pour poursuivre le plaisir de la lecture.

Posté par Lili Galipette à 08:20 - Mon Alexandrie - Lignes d'affrontement [19] - Permalien [#]

Commentaires sur Ethan Frome

  • Alors Guillaume Tell ! Tu perds tes flèches ? Elle est très forte pour mettre mal à l'aise et nous amener où elle veut que nous allions... Je note les titres maintenant qu'il y a challenge officiel, ...

    Posté par Asphodèle, 10 avril 2012 à 10:38 | | Répondre
  • @ Asphodèle

    Trois livres de cette auteure sont cités dans ce billet, dont un que tu as déjà lu.

    Posté par Lili Galipette, 10 avril 2012 à 10:43 | | Répondre
  • Encore une nouvelle découverte. Je suis absolument admirative de ta capacité à lire autant de livres et tout autant de ta plume vive et sensible qui sans chichis nous invite à de beaux voyages littéraires. Je suis d'accord sur Liam Neeson absolument irrésistible

    Posté par Alyette, 10 avril 2012 à 11:30 | | Répondre
  • la collection "imaginaire" chez Gallimard est une vraie réserve à merveilles !! je pioche dedans les yeux fermés et je n'ai JAMAIS été décue ...

    Posté par attila, 10 avril 2012 à 11:43 | | Répondre
  • @ Alyette

    Merci pour ces compliments.
    Lire fait partie de mes habitudes, de mes nécessités. Laisser passer une journée sans lire, c'est trop douloureux. Je préfère un livre au reste, toujours.
    Bonne semaine.

    Posté par Lili Galipette, 10 avril 2012 à 11:45 | | Répondre
  • @ attila

    Absolument d'accord avec toi ! Aucune déception avec cette collection !

    Posté par Lili Galipette, 10 avril 2012 à 11:45 | | Répondre
  • Voilà qui devrait me plaire! J'ai adoré ta métaphore et note ce titre

    Posté par Sabbio, 10 avril 2012 à 12:53 | | Répondre
  • ***Je suis absolument admirative de ta capacité à lire autant de livres et tout autant de ta plume vive et sensible qui sans chichis nous invite à de beaux voyages littéraires*** Ceci n'est pas donné à tout le monde.

    Posté par al, 10 avril 2012 à 13:08 | | Répondre
  • @ Sabbio

    Oh oui, ce roman est pour toi !
    La métaphore... ah, ça me vient tout seul !

    Posté par Lili Galipette, 10 avril 2012 à 13:28 | | Répondre
  • @ al

    J'ai peu de mérite pour ce qui est de lire vite. Ma formation littéraire, notamment la prépa, m'a contrainte à apprendre.
    Bonne journée.

    Posté par Lili Galipette, 10 avril 2012 à 13:30 | | Répondre
  • Quelle horrible femme cette Zenobia !
    Je garde un très bon souvenir de ce roman qui d'après ce que je comprends est d'un genre exceptionnel dans l'oeuvre de Wharton (mais les bobos new-yorkais, ça me tente aussi )
    Je ne savais pas qu'il en existait une adaptation ciné, merci pour l'info

    Posté par Cynthia, 10 avril 2012 à 14:26 | | Répondre
  • @ Cynthia

    Ils ne sont pas bobos, ils sont juste bos, et à fond !!
    Oui, "Ethan Forme" est assez à part si j'en juge par les autres romans que j'ai lus.

    Posté par Lili Galipette, 10 avril 2012 à 14:32 | | Répondre
  • j'ai honte... j'ai un livre de cette auteure dans ma PAL depuis des mois (non, des années!).

    Posté par clara, 10 avril 2012 à 17:41 | | Répondre
  • @ clara

    Je t'envie de tout avoir à découvrir de cette auteure !

    Posté par Lili Galipette, 10 avril 2012 à 19:21 | | Répondre
  • merci de me l'avoir fait acheter !

    Posté par George, 10 avril 2012 à 21:03 | | Répondre
  • @ George

    J'espère qu'il te plaira.

    Posté par Lili Galipette, 10 avril 2012 à 21:06 | | Répondre
  • Je ne connais pas du tout. Encore un livre à noter sur ma liste (qui devient gigantesque, je te l'accorde...).

    Posté par Lydia, 14 avril 2012 à 15:35 | | Répondre
  • @ Lydia

    Deviendrait-elle un peu gigantesque à cause de moi ? Oui ??? TROP BIEN !!!

    Posté par Lili Galipette, 15 avril 2012 à 18:11 | | Répondre
  • Un peu oui !

    Posté par Lydia, 15 avril 2012 à 18:34 | | Répondre
Nouveau commentaire