Des galipettes entre les lignes

Chroniques littéraires.

20 avril 2012

American tragedy - L'histoire de Sacco & Vanzetti

American_tragedy___L_histoire_de_Sacco___VanzettiBande dessinée de Florent Calvez.

Sur un banc d’un parc new-yorkais, un vieil homme et son petit-fils disputent une partie de dames. Et l’aïeul raconte l’histoire de Bartolo Vanzetti et Nicola Sacco, « des anarchistes italiens qu’on a condamnés à la chaise électrique. Une erreur judiciaire. » (P. 4) Leur procès a marqué les années 1920 et n’en finit pas d’interroger la légitimité de la peine de mort.

Dans une Amérique qui attire de nombreux immigrés qui cherchent à faire fortune, les injustices sociales se multiplient. Les syndicalistes, les socialistes, et les anarchistes luttent pour l’égalité, de façon plus ou moins active. « Les Galleanistes s’étaient fait une spécialité d’envoyer ou de poser des bombes contre ceux qui, selon eux, œuvraient contre les intérêts du peuple… des sénateurs, des businessmen, des flics, des curés... » (p. 20) Le pouvoir en place réagit avec violence à cette menace rouge : alors que le communisme semble envahir l’Europe, l’Amérique capitaliste refuse de laisser submerger. La police arrête à tour de bras et traque les « Rouges », usant de méthodes illégales et barbares : arrestations abusives, interrogatoires violents, déportations, manipulation d’opinion, etc. Et les anarchistes ripostent, rendant coup pour coup. « Je ne justifie rien de ce qu’ont fait ces mecs-là […] : je dis juste que quand un pouvoir se comporte mal, il pousse des gens à commettre des choses pires encore… » (p. 64)

Présumés coupables d’un braquage sanglant, Sacco et Vanzetti sont arrêtés. Mais rien ne se passe selon les règles légales. « Quoi ? Ils ne savaient pas de quoi ils étaient accusés ? / Exactement ! » (p. 51) S’ensuivent une procédure inique et un procès truqué à l’issue duquel les deux Italiens sont condamnés à mort. La sentence est clairement injuste et révoltante. Tout le monde l’admet, mais la justice américaine refuse de revenir sur cette affaire. « Tu sais, à l’époque, tout le monde s’est senti concerné. Dans un camp comme dans l’autre. Et partout dans le monde. » (p. 4) Rien n’y fait : Sacco et Vanzetti meurent sur la chaise électrique. Plus tard, la justice reconnaîtra ne pas leur avoir offert un procès équitable, même si ça ne rachète pas une vie. Mais, finalement, « un symbole, ça ment toujours. » (p. 111)

Florent Calvèz le précise à la fin de son œuvre, il présente sa propre vision de la tragique histoire de Sacco et Vanzetti. Quels que soient son parti pris et ses convictions, il a produit un récit magistralement mené, à la fois clair et éclairé. Sur une pleine page, la statue de la Liberté a la digne allure d’un symbole bafoué. Le trait de l’auteur/dessinateur est griffonné par une pointe fine et nerveuse. Les visages sont tragiquement expressifs et les scènes d’explosion vibrent encore d’une déflagration laissée par la plume et le pinceau. Je ne sais pas vraiment expliquer pourquoi, mais il me semble que ce dessin correspond parfaitement à l’époque et au sujet. En lisant ce récit, j’avais le sentiment de feuilleter une chronique d’époque. L’ultime lettre de Sacco à son fils est une merveille de tolérance et d’espoir, un peu à la façon du poème de Rudyard Kipling : c’est un message de paix et d’humanisme, de dignité et d’honnêteté.

Je laisse les derniers mots à Joan Baez. D’aucuns diront qu’on l’a trop entendue, je dis que certains n’ont pas assez écouté.

Un garnd merci à Babelio_Logo et aux éditions Delcourt pour cet envoi.

 

Posté par Lili Galipette à 17:45 - Mon Alexandrie - Lignes d'affrontement [6] - Permalien [#]
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Commentaires sur American tragedy - L'histoire de Sacco & Vanzetti

  • Waouh!! quelle chronique et quelle belle écriture qui se savoure. Pourquoi n'écris-tu pas tes propres histoires ? j'ai hâte de lire ton premier livre

    Posté par Alyette, 20 avril 2012 à 18:22 | | Répondre
  • @ Alyette

    Merci beaucoup.
    J'écris, mais ça ne vaut pas encore la peine d'être vraiment lu.

    Posté par Lili Galipette, 20 avril 2012 à 18:28 | | Répondre
  • Un titre qui me tentait beaucoup avant sa sortie. Ton avis conforte mon envie de le découvrir au plus vite.

    Posté par jerome, 21 avril 2012 à 08:28 | | Répondre
  • @ jerome

    N'hésite pas : c'est une œuvre très réussie !

    Posté par Lili Galipette, 21 avril 2012 à 08:42 | | Répondre
  • Je l'avais sélectionnée moi aussi. Cette BD a l'air fort intéressante.

    Posté par Lydia, 21 avril 2012 à 12:47 | | Répondre
  • @ Lydia

    Oui oui, tout à fait ce qu'on aime !

    Posté par Lili Galipette, 22 avril 2012 à 13:07 | | Répondre
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