Des galipettes entre les lignes

Chroniques littéraires.

25 juin 2012

Adolphe

AdolpheRoman de Benjamin Constant.

Le jeune Adolphe est un être sensible, taciturne et doté d’une nature sombre. Ouvertement indépendant, il entend mener sa vie à sa guise et nourrir son orgueil par toutes les considérations que les autres pourront lui accorder. Le jour où il décide d’être aimé, il jette son dévolu sur la belle Ellénore. Plus âgée que lui, elle est la maîtresse du comte de P***. « Je ne croyais point aimer Ellénore ; mais déjà je n’aurais pu me résoudre à ne pas lui plaire. » (p. 45) Obtenir l’attention et les sentiments d’Ellénore est donc une conquête d’amour-propre. Passées les premières exaltations et les premières preuves véhémentes d’amour, Adolphe s’agace d’une relation qui entrave son quotidien et le prive d’une liberté à laquelle il est furieusement attaché. « Ellénore était sans doute un vif plaisir dans mon existence, mais elle n’était plus un but : elle était devenue un lien. » (p. 69) Il faut peu de temps pour que le jeune homme cesse d’aimer, mais il ne se résout pas à quitter Ellénore puisque tout le monde le presse d’y parvenir. Son indépendance est mêlée d’orgueil et il refuse qu’on décide pour lui une chose qui est pourtant évidente. Certes, la société et son père s’offusquent de cette liaison qui entrave sa carrière et les ambitions qu’il peut nourrir, mais Adolphe entend décider seul de la rupture. Le problème est qu’il ne se résout jamais à cette issue.

Adolphe fait preuve d’une grande lâcheté et ses tentatives de rupture échouent devant les larmes d’Ellénore. Il se fait un devoir de la protéger et de la soustraire au jugement de la société, mais ce devoir lui pèse et il l’accomplit sans noblesse. Ellénore elle-même ne s’y trompe pas : « Vous vous dévouez à moi parce que je suis persécutée, vous croyez avoir de l’amour, et vous n’avez que de la pitié. » (p. 95) Sous couvert d’indépendance, Adolphe est en fait un capricieux qui s’entête dans une folie de jeunesse en voulant la parer des vertus de la sagesse et de la passion. Son amour pour Ellénore a disparu et sa tiède affection tient plus de l’habitude que du sentiment. « Nous vivions, pour ainsi dire, d’une espèce de mémoire du cœur, assez puissante pour que l’idée de nous séparer nous fût douloureuse, trop faible pour que nous trouvassions du bonheur à être unis. » (p. 108) Ce n’est que tragiquement que cette histoire pourra s’achever et Adolphe comprendra enfin qu’il était le seul obstacle au repos tant espéré par Ellénore.

Ce roman est l’expression littéraire la plus archétypale du romantisme : le héros est jeune, tourmenté par on ne sait quoi, fréquemment saisi par l’idée de la mort et vaguement décidé à contrer la société. Finalement, sa médiocre révolte avorte et il n’y a rien gagné. Adolphe est un personnage résolument insupportable, voire odieux : ce jeune homme capricieux est faussement amoureux, faussement fidèle, faussement noble, etc. Si j’ai eu peu de sympathie pour lui, je n’en ai eu pour Ellénore qu’à la fin, à la lecture de son ultime lettre : c’est évidement la volonté de l’auteur de ne dévoiler la vraie et pure nature de la malheureuse que lorsque l’irréparable est accompli. Adolphe est intéressant d’un point de vue littéraire et dans une étude du mouvement romantique, mais cette intrigue ne m’a pas plu : les jeunes godelureaux infatués n’obtiennent jamais mes faveurs.

Posté par Lili Galipette à 11:50 - Ma Réserve - Lignes d'affrontement [25] - Permalien [#]

Commentaires sur Adolphe

  • Tu m'a fait rire avec ta dernière phrase !!! Une chose est indéniable : je crois que les "romantiques" étaient surtout dévorés par l'ennui et ils en ont fait des tonnes ! Beaucoup d'entre eux, pas tous... Moi qui avait envie de relire du Benjamin Constant, finalement mieux vaut rester sur certaines impressions...

    Posté par Asphodèle, 25 juin 2012 à 12:03 | | Répondre
  • Moi je l'ai trouvé à claquer, ce jeune homme, ça a donné un peu de sel!

    Posté par Mélusine, 25 juin 2012 à 12:04 | | Répondre
  • @ Asphodèle

    J'annonce la couleur, c'est tout !
    On me souffle dans l'oreillette que "Adolphe" n'est pas le meilleur roman de Constant. Retente ta chance avec un autre !

    Posté par Lili Galipette, 25 juin 2012 à 12:33 | | Répondre
  • @ Mélusine

    Oui, nous sommes d'accord, il mérite des baffes !

    Posté par Lili Galipette, 25 juin 2012 à 12:33 | | Répondre
  • Merci pour "l'oreillette", je serai vigilante !!!

    Posté par Asphodèle, 25 juin 2012 à 12:36 | | Répondre
  • Ah ben je suis bien contente de voir que tu as le même avis que moi ! Plus que jamais le "je t'aime, je t'adore" et le "un mois plus tard, il ne l'aimait déjà plus" des romantiques m'insupportent ! ils devaient quand même drôlement s'ennuyer à l'époque (quoique en lisant des articles de Paris Match je me dis qu'on a pas évolué tant que ça ...).
    Mais c'est clair qu'Adolphe je l'aurais bien baffé!!

    Posté par missbouquinaix, 25 juin 2012 à 15:44 | | Répondre
  • @ missbouquinaix

    Ah,les romantiques... il faut les comprendre, les pauvres : ils sont tellement malheureux de ne pas vouloir être heureux sans savoir pourquoi...

    Posté par Lili Galipette, 25 juin 2012 à 15:48 | | Répondre
  • J'ai détesté Adolphe - le personnage. Une vraie tête à claques !

    Posté par Sharon, 25 juin 2012 à 21:36 | | Répondre
  • @ Sharon

    Les avis sont plutôt unanimes sur ce sale bonhomme !

    Posté par Lili Galipette, 25 juin 2012 à 21:50 | | Répondre
  • J'avais lu ce bouquin au lycée et je m'étais ennuyée à mourir. Non, décidément, les Romantiques, ce n'est pas pour moi.

    Posté par Lydia, 26 juin 2012 à 08:36 | | Répondre
  • @ Lydia

    Que ceux qui ont aimé ce roman lèvent la main ? Personne ? Bon, tant pis !

    Posté par Lili Galipette, 26 juin 2012 à 09:49 | | Répondre
  • C'est à se demander comment ce bouquin est arrivé sur nos étagères, hein ?!!!

    Posté par Lydia, 26 juin 2012 à 10:01 | | Répondre
  • @ Lydia

    J'ai bien une idée... un complot machiste ?

    Posté par Lili Galipette, 26 juin 2012 à 10:03 | | Répondre
  • Ça doit être ça !!!

    Posté par Lydia, 26 juin 2012 à 10:37 | | Répondre
  • Coucou! J'adore ton blog et tes remarques piquantes. Je t’ajoute à mes favoris. Je vais revenir souvent. Ton commentaire m’a tout de même donné envie de le lire ne serait-ce que pour pouvoir participer à ton débat sur les romantiques. Je viens de finir de lire Avant, pendant et après de Jean-Marc Parisis. Et c’est du même genre, bien que le roman se déroule au 21eme siècle. Je me regarde le nombril, je l’aime, je lui cours après, je me lasse, elle est collante, elle m’aime trop je ne peux supporter la pression et ses larmes, enfin je la quitte, elle s’en remet, elle est déjà avec un autre, argh ! Je l’aimais et je l’ai perdu ! Ouille je souffre, achevez-moi, c’est fini. Adieu !

    Posté par Missycornish, 26 juin 2012 à 16:17 | | Répondre
  • @ Missycornish

    Bonjour ! Merci pour ton passage sur mon blog et tes nombreux commentaires. J'irai visiter le tien très vite.
    Merci pour m'avoir vaccinée de lire le livre de Parisis ! et merci surtout pour le fou rire !
    Bonne soirée !

    Posté par Lili Galipette, 26 juin 2012 à 18:18 | | Répondre
  • tag

    Je t'ai taggée pour la radio de l'été de lolobobo. il faut juste choisir un chanson que tu aimes bien. Elle sera ensuite intégrée dans une radio. Merci d'avance pour ta participation.

    Posté par Euterpe, 27 juin 2012 à 16:11 | | Répondre
  • @ Euterpe

    Je ne comprends bien le principe, mais s'il fait choisir une chanson que l'on aime particulièrement, je propose "Moonage daydream" de David Bowie.
    Merci de ton passage.

    Posté par Lili Galipette, 27 juin 2012 à 16:47 | | Répondre
  • Radio de l'été, en complément à Euterpe

    @Lili:

    J'avais aussi relayé ce truc de la radio de l'été, comme ça:

    http://fattorius.over-blog.com/article-dimanche-poetique-92-jean-racine-106726492.html

    Avec un peu de Gabriel Fauré, fort apprécié par ledit Lolobobo - qu'il faudra avertir sur le billet dédié, afin qu'il puisse intégrer ton choix à sa "radio" - en fait une suite de morceaux proposés par les blogueurs et qu'on peut s'écouter sur son PC.

    Posté par DF, 27 juin 2012 à 17:05 | | Répondre
  • @ DF

    OK, merci pour la précision. Dès que j'ai le temps, je m'y mets.

    Posté par Lili Galipette, 27 juin 2012 à 17:51 | | Répondre
  • Alors je me joins à l'avis de tag d'Euterpe!

    Posté par DF, 28 juin 2012 à 11:46 | | Répondre
  • Godelureau. Je ne connaissais pas ce mot, merci pour la découverte !
    Ce roman est dans ma PAL depuis un certain temps. C'est en lisant "Ni toi ni moi" de C. Laurens que l'envie de lire ce classique est née.
    Malgré que je n'approuve pas les "godelureaux" non plus, j'espère que ce livre me plaira mieux qu'à toi

    Posté par Reka, 09 juillet 2012 à 14:36 | | Répondre
  • @ Reka

    Ravie de t'avoir appris un mot !

    Posté par Lili Galipette, 09 juillet 2012 à 16:47 | | Répondre
  • Ces jeunes godelureaux n'ont-ils jamais obtenu tes faveurs, jamais, jamais, jamais ?

    Posté par nath, 21 août 2012 à 09:43 | | Répondre
  • @ nath

    Jamais !! Je n'aime pas ce genre de type geignard ! Moi vouloir un homme, un vrai ! huh !

    Posté par Lili Galipette, 21 août 2012 à 10:19 | | Répondre
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