Des galipettes entre les lignes

Chroniques littéraires.

06 février 2013

Daytripper - Au jour le jour

DaytripperRoman graphique des frères Fabio Moon et Gabriel Ba.

Bras de Oliva Domingos écrit pour la rubrique nécrologique d’un grand quotidien de Sao Paulo. Alors qu’il écrit les morts des autres, il ne parvient pas à écrire sa propre histoire, à devenir l’écrivain qui sommeille en lui. Son plus grand handicap, croit-il, est la figure écrasante de son père. Malédiction ou héritage ? C’est que la suite de l’histoire dira.

L’histoire, parlons-en. De sa structure surtout. Il y a dix chapitres qui présentent Bras à différents âges et sans chronologie. Si on connaît la fin de l’histoire dès le premier chapitre, c’est en lisant les autres, à rebrousse temps et à contre temps, que l’on embrasse toute la vie et toute la mort de Bras de Oliva Domingos. Si on peut avoir une infinité de vies, pourquoi n’aurait-on pas aussi une infinité de morts et autant de chances de tout recommencer ? Parce que là où une vie s’arrête, il y a une chance qu’une mort en devenir commence. « Et la mort, ça vous donne une autre perspective sur la vie et tout le reste… Tout le reste semble sans importance. » (p. 91) Chaque chapitre s’achève sur des nécrologies, mais ce qui est époustouflant, c’est qu’elles ne marquent pas seulement la fin (de la vie ou du chapitre) : elles aident ceux qui restent à continuer.

D’un chapitre à l’autre, les auteurs proposent des réflexions fines et bouleversantes sur la famille, entité qui ne se conçoit qu’avec des bonheurs et des malheurs. Bras doit faire sa place face à son père et à sa mère, puis face à sa femme et son fils. Une famille, c’est à la fois la vie et la mort, c’est un long récit. « La vie est comme un livre, fils. Et tous les livres ont une fin. Peu importe combien tu aimes ce livre, tu arriveras à la dernière page et ce sera fini. Aucun livre n’est complet sans une fin. » (p. 214) Et puis, il y a ce rêve qui tient tout le neuvième chapitre : entre synopsis et conclusion, ce chapitre particulier nous donne les clés et d’autres portes pour comprendre la vie de Bras.

Daytripper_1  Daytripper_2

Bras de Oliva Domingos est donc un fils, un époux, un père et un homme. Et il concentre toutes ses facettes dans son être d’écrivain : fondamentalement, viscéralement, l’essence de Bras est nourrie d’écriture. À mesure qu’il trace sa voie, qu’il trouve sa voix, tous les destins qui sont les siens se rejoignent. Et c’est tout l’art de Fabio Moon et Gabriel Ba que de tisser cette histoire mine de rien et de poser des jalons  qui finiront par former un chemin.

Que dire du dessin, si ce n’est WAHOO ! Les couleurs sont puissantes, profondes, vibrantes et incroyablement dynamiques. C’est beau, tout simplement beau !

Daytripper_3

Posté par Lili Galipette à 10:00 - Mon Alexandrie - Lignes d'affrontement [10] - Permalien [#]

Commentaires sur Daytripper - Au jour le jour

  • Whaou !!! Tu me fais envie, ce qui n'est pas ordinaire concernant une BD, ce thème de l'infini qui recommence avec l'écriture au centre me plaît !

    Posté par Asphodèle, 06 février 2013 à 11:32 | | Répondre
  • Non mais c'est THE graphic novel de l'année ! Avec "Habibi" de Craig Thompson (sortie fin 2011), "Le Nao de Brown" de Glyn Dillon et "Duncan le chien prodigue" de Adam Hines !!! Quatre chef d'oeuvre de créativité !
    Bon, sinon je trouve que t'as quand même bien rempli ton dû hein... Hey, faut pas oublier que dans Daytripper on frôle quand même de près la crise existentielle, alors oui, en effet, t'as peut être pas trouvé tous les mots pour parler de cette BD mais sincèrement, je pense pas non plus en être capable. C'est trop de sentiments profonds, voir même métaphysique ^^ On aurait tort de passer à côté d'une lecture pareille !

    Posté par Badow18, 06 février 2013 à 14:46 | | Répondre
    • Bon, j'ai 2 chefs-d'oeuvre sur 4, c'est déjà pas mal !
      Je te rejoins sur la dernière phrase : une BD à ne pas manquer !

      Posté par Lili Galipette, 06 février 2013 à 14:56 | | Répondre
  • C'est déjà un bon quota ! Je te ferai découvrir les deux autres (Oui, un beau jour je parlerai de ce quatro légendaire sur mon blog ; quand j'admire trop une oeuvre, j'ai peur de l'abîmer avec mes mots ^^")

    Posté par Badow18, 06 février 2013 à 15:07 | | Répondre
  • J'avais bien aimé, les couleurs et l'ambiance surtout. Je n'ai pas été convaincue par tous les chapitres, une question d'expérience de la vie je pense. Mais c'est clairement une BD originale et qui ne ressemble pas aux autres.

    Posté par Petite Fleur, 06 février 2013 à 17:15 | | Répondre
    • Oui, très originale et particulièrement belle !

      Posté par Lili Galipette, 06 février 2013 à 19:16 | | Répondre
  • J'ai mis trois secondes à comprendre que "Bras" était un prénom ! Mais quelle idée ! En tous les cas, il a l'air de t'avoir bien plu !

    Posté par Lydia B, 06 février 2013 à 18:21 | | Répondre
    • MEA MAXIMA CULPA !! Je ne sais pas faire l'accent sur le [a] et notre ami Bras en est coiffé. Avec ce petit signe, tu aurais compris tout de suite.

      Posté par Lili Galipette, 06 février 2013 à 19:16 | | Répondre
  • Ne te tracasse pas ! Quel prénom quand même ! :-p

    Posté par Lydia B, 06 février 2013 à 20:24 | | Répondre
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