Des galipettes entre les lignes

Chroniques littéraires.

22 octobre 2013

Bord cadre

Teule_Bord_cadreRoman de Jean Teulé.

Sainte-Rose, peintre de son état, présente Léone, courtière en assurances, à Marc, écrivain. Il en est convaincu, ces deux-là sont faits pour s’aimer. « Elle allait vers l’écrivain comme la limaille à l’aimant. Elle avait aimé son roman. »  (p. 15) Et ça ne manque pas, ils s’aiment tout de suite et très fort, et peu importe que Léone ne soit plus toute jeune. Hélas, en les faisant se rencontrer, Sainte-Rose a une idée machiavélique derrière la tête : il veut qu’ils se séparent et faire de leur déchirement le sujet de son chef-d’œuvre. « Dans la peinture de Sainte-Rose, tout y sonnait mortel. » (p. 35) Mais entre Léone et Marc, l’idylle est au beau fixe et les deux amants ne peuvent se rassasier l’un de l’autre.

Tout irait à merveille si Marc ne souffrait pas d’une cruelle panne d’inspiration. Étrangement, Sainte-Rose est également à court d’inspiration, comme si le bonheur des autres bloquait son talent. « C’est vrai, quoi ! C’est quand qu’ils en chient, tous les deux, que je puisse travailler, moi ? » (p. 72) Il a alors une idée très cruelle pour relancer sa peinture : contraindre les amants à se séparer par le biais de la fiction. « Deux amants arrivent en bateau à Cythère mais le voyage s’est mal passé (va savoir ce qu’ils se sont dits !) » (p. 107) L’amour résistera-t-il à l’art ? Rien n’est moins sûr sous la plume acérée de Jean Teulé. « Détruire ce que l’on aime, toujours, de peur d’en souffrir. Préférer être responsable du désastre plutôt que de le subir. » (p. 115)

Si les amants sont parfois agaçants en leurs déclarations échevelées et leurs démonstrations irraisonnées, Sainte-Rose est un personnage fascinant. Ce mécène entremetteur est un despote destructeur, un démiurge névrosé qui ne peut que détruire ce qu’il a créé. Bord cadre est un court roman très sympathique sur l’amour, la création et l’inspiration, avec quelques morceaux sensuels bien gourmands, comme je les aime.

Posté par Lili Galipette à 07:00 - Mon Alexandrie - Lignes d'affrontement [6] - Permalien [#]

Commentaires sur Bord cadre

  • C'est un roman hallucinant, à la Teulé ! Tu as lu son dernier bouquin ?

    Posté par Lydia B, 22 octobre 2013 à 18:49 | | Répondre
    • Pas encore ! Il faut que je l'achète !

      Posté par Lili Galipette, 22 octobre 2013 à 19:04 | | Répondre
      • Pas encore lu non plus. J'attends qu'il sorte en livre de poche.

        Posté par Lydia B, 22 octobre 2013 à 19:58 | | Répondre
  • Je ne connaissais pas ce roman de Jean Teulé, je le note.
    A ce jour mon préféré reste "Le magasin des suicides".
    Et belle coïncidence !

    Posté par MissG, 22 octobre 2013 à 20:09 | | Répondre
    • Moi, c'est "Je, François Villon" : très documenté et truculent !

      Posté par Lili Galipette, 22 octobre 2013 à 20:56 | | Répondre
      • J'ai découvert cet auteur avec ce livre, prêté par un collègue de travail. Il arrive en 2ème position (ex-aequo avec "Fleur de tonnerre").

        Posté par MissG, 24 octobre 2013 à 09:00 | | Répondre
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