Des galipettes entre les lignes

Chroniques littéraires.

10 juin 2014

La dernière frontière

Fast_Derniere frontiereRoman d’Howard Fast.

1878 : la guerre de Sécession est terminée, les guerres indiennes également. Les jeunes États-Unis peuvent-ils enfin aspirer à la paix ? Rien n’est moins sûr puisque les Cheyennes parqués dans l’aride Territoire indien ne veulent que partir vers le nord pour retrouver les Black Hills, les terres sacrées de leurs ancêtres. Plutôt mourir que rester soumis à l’homme blanc et à ses lois iniques ! « Bien sûr, leur idée de la liberté n’est pas la même que la nôtre. » (p. 300) Au début, ils ne sont que trois à tenter leur chance. Mais le gouvernement américain a interdit aux Cheyennes de quitter le Territoire indien : la chasse à l’homme commence. « Ils mourront vaillamment. […] On dirait que c’est tout ce qu’ils savent faire ces Indiens, mourir. » (p. 108) Menés par Dull Knife et Little Wolf, c’est ensuite la tribu entière qui s’ébranle vers le nord.

Avec l’énergie du désespoir, ces maigres centaines d’Indiens faméliques entreprennent une fuite qui met en déroute la fière armée américaine. Pendant des jours et des jours, les soldats et les milices civiles traquent en vain des Indiens affamés et à bout de force. « Ces hommes décharnés sur leurs maigres poneys semblaient les fantômes mêmes de leurs morts. » (p. 24) Les affrontements éclatent sporadiquement. Chaque bord s’entête : les Indiens invoquent le droit du sol et les Américains citent la constitution. Hélas, les premiers ne sont pas en mesure de tenir tête aux seconds. « Ils commettaient une faute impardonnable : ils considéraient que le sol sur lequel ils avaient toujours vécu était le leur ; et leur croyance était assez forte pour qu’ils se battent et meurent pour elle. » (p. 13) Dans leur marche funèbre vers Wyoming, les Cheyennes déclenchent des terreurs chez les hommes blancs. Désormais, il n’y a plus d’issue, il ne faut pas les laisser s’échapper !

Cet épisode de l’histoire amérindienne est profondément révoltant : au nom d’une loi bornée, une majorité d’hommes refuse à une minorité la seule chose qui lui permettrait de vivre en paix. Aux yeux du Blanc, le conflit vaut mieux que la transgression d’une règle, transgression dont la conséquence serait pourtant bénéfique aux deux bords.

Il y a beaucoup de discours dans ce texte. La question indienne est débattue dans tous les sens, par tout le monde. Journalistes, religieux, civils, militaires, politiques, il n’est pas un Américain qui ne croit mieux comprendre le sujet que son voisin. Le récit est toujours mené du point de la vue de l’homme blanc, l’Indien n’étant déjà plus qu’un élément du décor, un protagoniste obligatoire, mais inopportun. Triste Histoire…

Merci à Babelio et aux éditions Gallmeister pour cet envoi.

Posté par Lili Galipette à 08:00 - Mon Alexandrie - Lignes d'affrontement [10] - Permalien [#]
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Commentaires sur La dernière frontière

  • Et voilà un génocide de plus...pratiquement tombé aux oubliettes !
    Triste histoire qui se répète si souvent, encore et encore...

    Posté par Mamanous, 10 juin 2014 à 11:40 | | Répondre
    • Tombé aux oubliettes en Europe, mais pas aux États-Unis.

      Posté par Lili Galipette, 10 juin 2014 à 12:27 | | Répondre
  • Voilà qui me tente bien. Je le replace en haut de ma liste.

    Posté par In Cold Blog, 11 juin 2014 à 10:13 | | Répondre
  • Dernier génocide avant le XXème siècle et 1er génocide de l'Histoire qui reçoit ce nom et dont on parle serait plus exactement le terme. Là-aussi, c'est le point de vue de l 'homme blanc. Rien sur les génocides plus anciens dont parle encore moins.

    Posté par momo, 11 juin 2014 à 12:22 | | Répondre
    • Les hommes sont hélas oublieux de l'histoire quand elle est honteuse.

      Posté par Lili Galipette, 11 juin 2014 à 12:57 | | Répondre
  • Voilà pourquoi je ne lis pas de livres avec les Indiens d'Amérique. J'appelle ça le "syndrome dernier des Mohicans", livre que j'ai fini en larmes. Je suis déprimée avant de commencer quand je dois lire un de ces livres !

    Posté par nathalie, 11 juin 2014 à 14:16 | | Répondre
    • C'est toujours révoltant, tu as raison. Mais c'est une partie de l'histoire qui me fascine, moi petite Européenne... Probablement parce que ce n'est pas vraiment "mon" histoire. Je ne sais pas si c'est culturel (et c'est sûrement politiquement incorrect d'écrire ça), mais les génocides juifs ou arméniens me "touchent" davantage parce qu'ils se situent dans des zones géographiques que j'identifie, que je connais et dans des espaces historiques qui font partie de ma culture et de ma connaissance. Mais je ne dis pas qu'il y a des génocides plus ou moins graves que d'autres : tous sont odieux, mais certains sont plus "lointains" que d'autres. Après, comme disait l'autre, "rien de ce qui humain ne m'est étranger".

      Posté par Lili Galipette, 11 juin 2014 à 18:15 | | Répondre
  • L'être humain a toujours cette fâcheuse tendance à vouloir piétiner l'autre...

    Posté par Lydia B, 11 juin 2014 à 16:01 | | Répondre
    • Hélas... Je viens de finir "Chien blanc" de Romain Gary... Même constat atroce !

      Posté par Lili Galipette, 11 juin 2014 à 18:15 | | Répondre
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