Des galipettes entre les lignes

Chroniques littéraires.

19 juin 2020

Le vicomte pourfendu

Calvino_Vicomte pourfenduRoman d’Italo Calvino.

Le vicomte Médard de Terralba revient de la guerre contre les Turcs, mais amputé. Un boulet de canon l’a coupé en deux et a emporté la partie gauche. « C’est l’avantage d’être pourfendu que de comprendre dans chaque tête et dans toute chose la peine que chaque être et toute chose ressentent d’être incomplets. » (p. 60) Hélas, la partie droite restée intacte est la mauvaise moitié, celle d’un homme méchant et qui prend plaisir à tourmenter ses semblables. Au château de Terralba, on ne sait s’il faut se réjouir du retour du vicomte ou déplorer que la trajectoire du boulet n’ait pas dévié de quelques centimètres. « Pour beaucoup d’hommes valeureux […], leurs ordures d’hier sont encore sur la terre alors qu’eux sont déjà au ciel. » (p. 8) Après quelque temps, quelle joie de voir finalement revenir la deuxième moitié de Médard, celle qui est bonne et généreuse. Mais les deux parties sont hélas extrêmes dans leur comportement : le vice et la bonté poussés à leur paroxysme sont finalement aussi intolérables l’un que l’autre ! « Nos sentiments devenaient incolores et obtus parce que nous nous sentions comme perdus entre une vertu et une perversité également inhumaines. » (p. 74) Ah, si seulement il était possible de réconcilier les deux moitiés du vicomte…

J’achève la trilogie Nos ancêtres par le premier texte. Après Le baron perché et Le chevalier inexistant, je peux affirmer que je n’ai pas pris autant de plaisir à des lectures depuis longtemps. Ces trois textes sont courts, mais riches d’une réflexion intelligente sur les caractères et ce qui fonde la nature de l’homme. Italo Calvino exploite avec talent le genre du merveilleux pour délivrer des contes aux allures de paraboles et d’allégories. En le lisant, on rit autant qu’on s’interroge, et c’est assez rare pour être souligné.

Posté par Lili Galipette à 08:00 - Mon Alexandrie - Lignes d'affrontement [4] - Permalien [#]

Commentaires sur Le vicomte pourfendu

  • Je suis bien d'accord avec toi, c'est un vrai plaisir de lire un texte de cet auteur.

    Posté par Lydia B, 19 juin 2020 à 09:28 | | Répondre
  • Ce que j'aime bien dans celui-ci c'est le langage d'amour du vicomte qui coupe toutes les marguerites en deux, il y a des passages très poétiques Et puis la mariée avec une chèvre et un canard (si mes souvenirs sont bons, mais ce sont peut-être d'autres animaux)... le rêve !

    Posté par nathalie, 21 juin 2020 à 15:37 | | Répondre
    • Oui, c'est en effet très joli, très picaresque !

      Posté par Lili Galipette, 21 juin 2020 à 15:55 | | Répondre
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